De Gaulle_1500_Cote d’opale

De Gaulle chez nous

Charles De Gaulle était encore sur les bancs de l’école primaire quand il vint pour la première fois aux bains de mer à Wimereux. Cette station n’était encore « qu’une infime agglomération de masures constituant un maigre hameau marin » comme la décrivait une notice touristique de l’époque. En 1897, la grand-mère de Charles, « la bonne maman Maillot », loua la villa « les Tilleuls » au bas de la côte du Mont Gambier (aujourd’hui rue Léon Sergent), pour une période de six semaines. Derrière la maison, il y avait une prairie avec un portique et une balançoire. Charles, toujours le premier réveillé, s’empressait, dit-on, de faire valoir son droit de priorité du premier arrivé pour l’utilisation de ces jeux.

On dit que les De Gaulle se mêlaient volontiers à la vie locale. Sans doute ont-ils assisté aux concerts vocal et instrumental donnés régulièrement à la salle Capillier où se produisaient des artistes de renom ; sans doute ont-ils fréquenté le cercle des baigneurs qui possédait une salle de jeux ; bien sûr ils ont suivi, au fil des ans, le développement de la station wimereusienne avec le boom des constructions de villas, d’hôtels et autres équipements, prémices d’une vraie station balnéaire.

Un programme des vacances régulier et immuable. 

La villa Les Tilleuls à Wimille. lieu de Villégiature de De Gaulle

“La matinée était consacrée à la plage de Wimereux où l’on se baignait pendant un quart d’heure en respectant un délai de deux heures et demie après le petit déjeuner. En début d’après-midi, il fallait d’abord se sacrifier aux devoirs de vacances sous la surveillance d’un parent, puis on partait pour une promenade dans l’arrière-pays, laquelle constituait en même temps un cours d’histoire, de géographie ou de sciences, en fonction de l’itinéraire choisi et des sujets d’intérêts rencontrés. Au cours de cette promenade, on prenait le goûter dans une ferme des environs où l’on dégustait un fromage du pays et du pain frais. Il y avait parfois un petit supplément mais c’était assez rare car on évitait de trop dépenser.”

Charles avait-il déjà une haute taille pour son âge ? L’air vif et iodé de la Côte d’Opale fut sans doute pour quelque chose dans sa robuste constitution. L’historien Jean Lacouture estime que « cet homme des tempêtes a retiré de ses longs séjours à la mer le goût des métaphores maritimes. Au plus fort de l’affaire algérienne, il recommandait à ses ministres : accrochez-vous, ça va tanguer ». Probablement avait-on remarqué à Wimille et à Wimereux cet adolescent élancé ; mais qui donc lui aurait apporté une attention particulière ? C’était un estivant parmi tant d’autres.
Comme eux, la famille De Gaulle a pris le train Renard pour aller à Boulogne faire quelques emplettes. C’était un spectacle agréable de pouvoir aller dans cette ville portuaire grâce au tramway. Mais Charles et les siens étaient-ils assez attentifs à l’heure des marées ? On avait construit la voie ferrée trop près du rivage. Pour peu que la mer fût grosse à marée haute, les vagues déferlaient sur la voie, le tramway se trouvait alors dans l’impossibilité de poursuivre son trajet. Il fallait donc s’en revenir à pied, chargés le plus souvent, et se frayer un itinéraire parmi les chemins boueux de la falaise.
Qu’ils fussent à pied ou en tramway, les De Gaulle, comme tout un chacun, ont dû payer l’octroi dès qu’ils franchissaient les limites communales. C’était, disent les chroniques locales de l’époque, une opération qui se faisait dans la bonne humeur. Chaque voyageur déballait ses marchandises et s’acquittait de l’octroi selon une tarification bien codifiée. Mais, que de palabres, que d’éclats de rire quand l’un d’eux présentait un objet hétéroclite ne figurant pas dans la liste détenue par le percepteur. On discutait à l’infini et pendant ce temps, le tramway attendait, les voyageurs aussi. Dans ses livres ou dans ses « Mémoires », Charles De Gaulle n’a jamais écrit une seule ligne sur son séjour à Wimille, mais beaucoup de ses proches ont été unanimes pour affirmer qu’il aimait
rappeler avoir passé des jours heureux à Wimille puis à Wimereux et plus tard à Wissant. Et c’était assurément plus qu’une simple
politesse à l’égard de ses interlocuteurs.

 

La destinée de Charles était déjà en marche.

Charles de Gaulle au monument aux Morts à Wimille © André Verley2446

En 1914, avec la déclaration de guerre, finies les vacances et les baignades pour les De Gaulle qui ne reviendront jamais en Boulonnais. D’ailleurs, la destinée de Charles était déjà en marche. En 1939, une nouvelle guerre se déchaîna. Refusant la défaite, Charles De Gaulle lança de la BBC son célèbre appel du 18 juin. Quatre ans plus tard, les alliés ayant triomphé, il devint président du gouvernement provisoire : c’est à ce titre qu’il entreprit un voyage dans le Nord-Pas-de-Calais. Boulogne et Le Portel l’accueillirent. La déception fut grande pour les Wimillois. Ce ne fut que partie remise. En 1959, pour son voyage sur le littoral qui devait le conduire à Calais, il ne pouvait manquer de s’arrêter à Wimille. Il fit une halte rapide ; tous ses déplacements se déroulaient à un rythme excessif d’autant plus qu’il multipliait les étapes imprévues car il aimait les foules enthousiastes. Le Maire, M. Lebeurre et son Conseil Municipal l’attendaient au pied du monument aux morts. “ Je suis heureux, dit le Président de la République de me retrouver à Wimille où j’ai passé tant de bonnes vacances”. Et jetant un regard malicieux sur l’assistance, il ajouta : “Je vois que vous avez tous très bien grandi”. Un peu plus tard, poursuivant son voyage, il retrouva l’un de ses anciens camarades du 33e R.I. qui lui rappela qu’ils avaient dormi dans la même chambrée et qu’il avait été son voisin de lit lors du stage que le soldat De Gaulle avait fait avant son entrée à Saint Cyr. Le général s’est fort bien souvenu de cet ancien compagnon, Henri Lecamus, alors âgé de 71 ans, cultivateur à Leulinghen-Bernes.  “Je suis heureux de vous retrouver, dit De Gaulle, “Qu’êtes-vous devenu ? Ben… On vieillit, mon Général. Mais non, mais non”, répliqua le Président, “Ne dites pas ça ; d’ailleurs ça ne se voit pas.”

En quittant Wimille pour Calais, le cortège présidentiel fit halte à Calais où on lui présenta des chevaux de race boulonnaise. L’un d’eux salua le chef de l’Etat d’une ruade inquiétante. Peut-être fut-il excité par l’arrivée pétaradante des…chevaux à vapeur ! Dès le lendemain, à la lecture des journaux parisiens ou en écoutant la radio, les Wimillois furent surpris de constater le silence quasi général sur la visite de De Gaulle dans leur ville. Il est vrai que dans une légende de photo une agence de presse écrivait : « Dans une rue de Boulogne, acclamé par la foule, voici le Président Charles De Gaulle accompagné du Maire de Calais, Jacques Vendroux, son beau-frère »  Comme on dit en Boulonnais : ces Parisiens, ils n’en ratent jamais une.

L’auteur

A_verley_écrivain journaliste_Historien du Boulonnais

André Verley.

Écrivain journaliste. Historien du Boulonnais