Tramway à boulogne sur Mer_1500

QUE VOULEZ-VOUS QUE JE VOUS DISE ?

Le 28 juin 1879, après sept années de tergiversations et de tracasseries administratives, la première ligne de tramways reliant le Coin menteur au casino de Boulogne était inaugurée. La mise en place du réseau fut laborieuse. Puis la concurrence s’installa avec l’apparition des autobus. Des témoignages recueillis laissent apparaître une évidente fatalité et dégagent une profonde nostalgie.

« Non, non ! Je ne vous dirai rien »

protestait l’un des derniers conducteurs des tramways électriques de Boulogne-sur-Mer.

« Mais puisque que c’est pour recueillir le témoignage d’un ancien ».
« Justement ! Que voulez-vous que je vous dise ? Quand on voit ces autocars qu’ils ont mis en remplacement, des bus Berliez GX 107, comme ils les appellent. Vous parlez d’une appellation ? ça sent l’électronique à plein nez, mon bon monsieur. Que voulez-vous que je vous dise ? Ils ont voulu supprimer le train du Portel-Bonningues. Ils ont voulu supprimer celui de Boulogne à Wimille-Wimereux qui longe la côte sur quatre kilomètres, eh bien ! Tant pis. Maintenant les gens n’ont plus qu’à faire la queue le long de la route pour essayer de s’y entasser, dans leurs cars. « Sale et pas confortable le tramway ! » qu’ils disaient. Vous parlez si les voyageurs se moquaient du confort sur les baladeuses, vous savez ces remorques ouvertes, attelées aux motrices. Eh bien ! quand on grimpait la côte du mont Wibert, personne ne se préoccupait du confort quand on voyait au bas des falaises toute la palette de couleurs de la mer. Et, il passait partout notre tramway même dans les coins perdus de notre Boulonnais, mais jamais devant les cabarets à pick-up et les auberges où l’on attend le touriste avec un coup de massue. Croyez-moi, l’été, les voyageurs préféraient rester sur les plates-formes des wagons découverts, à sentir, le long de la côte, la fraîcheur iodée de la mer, ou, dans la forêt, les délicates essences de la végétation. Ah ! C’était vraiment le bon temps.  Et j’en ai connu des chefs de gare comme celui de … qui se trompait toujours dans les expéditions de bagages ou comme celui de … qui n’était pas fichu de faire une multiplication pour calculer le prix du billet.Et les haltes, fallait voir ! Surtout quand les trains se croisaient et qu’il fallait attendre le collègue. Les voyageurs ne prenaient pas ça en mauvaise part, pas du tout. Quelquefois même, ils descendaient tous et faisaient un brin de causette. Ça, c’était sur les grandes lignes mais sur celles de la région quand c’était encore le tramway à
cheval avec le conducteur annonçant le passage au moyen d’un sifflet et que le pauvre bidet n’en pouvait plus de monter les côtes, alors les voyageurs descendaient et lui faisaient escorte, parfois même ils poussaient la voiture pour l’aider. J’en avais chaud pour eux ! Mais, le lendemain ils reprenaient le même tramway et ils étaient heureux !

 

Jean Sérien répondit-il

Un jour, la receveuse dressa une contravention à un voyageur qui n’avait pas de billet. « Je suis obligée de vous dresser procès-verbal», dit-elle. Votre nom et prénom, s’il vous plaît. « Jean Sérien » dit le voyageur. Stupéfaite, l’employée lui dit : « Allons, Monsieur, je ne plaisante pas ». « Mais je ne plaisante pas, madame. Mon prénom, c’est Jean , mon nom de famille Sérien ». « Ah, bon, c’est rien ! Vous n’allez pas continuer sur ce registre-là, sinon cela pourrait vous coûter très cher… »

Tout cela a disparu le jour où ils ont eu l’idée de mettre des autocars. Fallait attirer la clientèle, vous comprenez ! Mais que voulez-vous que je vous dise encore ? Ça fait plus d’un demi-siècle maintenant que le dernier tramway a effectué son dernier voyage sur la ligne Place Dalton – Saint martin. C’était, si mes souvenirs sont exacts, le 9 juillet 1951. Et ça faisait des décennies qu’ils roulaient, ces tramways, par tous les temps. Ah! Ce jour-là, c’en était une pitié de le voir s’en aller vers le dépôt du boulevard Beaucerf. Et quand il est arrivé, le cœur du vieux tramway a cessé de battre. C’était fini ! Il était mort et, avec lui, disparaissait toute une époque.

L’auteur

A_verley_écrivain journaliste_Historien du Boulonnais

André Verley.

Écrivain journaliste. Historien du Boulonnais